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La réduction de capital par annulation des titres rend-elle imposable la plus-value en report ?

(Rép. Woerth : AN 29 août 2023, n° 7128)

On sait que la plus-value constatée lors de l’apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur bénéficie d’un report d’imposition (article 150-0B ter du CGI). On sait aussi que ce report expire quand les titres reçus en échange font l’objet d’une cession, d’un rachat, d’un remboursement ou d’une annulation.

L’administration vient de prendre position sur les conséquences pour l’apporteur d’une réduction de capital motivée par des pertes. Elle considère que lorsque cette réduction s’effectue par annulation des titres, la plus-value en report devient imposable alors que si elle prend la forme d’une réduction du nominal des titres, le report d’imposition est maintenu. Elle justifie cette différence de traitement par la circonstance que l’annulation des titres les fait disparaître du patrimoine du contribuable, alors que la réduction du nominal ne les supprime pas.

Sachant que les titres annulés ne sont dans cette hypothèse pas cédés à la société et que l’opération ne dégage donc aucune moins-value chez l’associé, la position de l’administration aboutit non seulement à traiter de manière plus défavorable les contribuables qui auront vu leurs titres annulés pour combler les pertes sociales que ceux qui auront vu leur valeur nominale réduite, mais à taxer les premiers sur une assiette totalement fictive : une plus-value en report qui ne correspond plus à aucun enrichissement pour le contribuable sur laquelle il va pourtant devoir acquitter l’impôt.

L’administration a raison de mettre en avant la différence de situation entre les deux opérations de réduction de capital – par annulation des titres ou par réduction de leur valeur nominale – pour justifier l’existence d’une différence de traitement qui ne nous paraît effectivement pas contraire au principe d’égalité devant l’impôt protégé par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. En effet, il est de jurisprudence constance que ce principe d’égalité n’empêche pas de traiter différemment des opérations différentes et force est de constater que comme une réduction de capital peut emprunter deux voies possibles, il incombe au contribuable concerné de choisir la bonne (pour autant qu’il puisse le faire).

En revanche, un autre principe constitutionnel pourrait permettre au contribuable de contester l’imposition de cette plus-value en report : l’article 13 de la Déclaration de 1789 qui garantit l’égalité devant les charges publiques. Ce principe interdit en effet de faire peser sur les contribuables une charge fiscale excessive au regard de leur capacité contributive. Et taxer une plus-value qui a disparu nous semble tout à fait rentrer dans cette catégorie.

Entre les deux principes constitutionnels d’égalité des articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits qui sont souvent invoqués ensemble, il y a parfois des différences substantielles. Alors autant ne pas se tromper dans le choix des armes !