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QPC relative à l’amende pour non-déclaration de compte à l’étranger : Le Rapporteur public propose sans enthousiasme au Conseil d’Etat de la transmettre au Conseil Constitutionnel

Suite au renvoi au Conseil d’Etat de notre question prioritaire de constitutionnalité relative à l’amende pour non-déclaration de compte à l’étranger (article 1736, IV du Code général des impôts, voir notre actualité du 14 avril dernier), le Rapporteur public a fait part de ses conclusions lors de l’audience qui s’est tenue au Conseil d’Etat ce lundi.
Il n’a pas manqué d’énoncer d’une part le contexte de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et, d’autre part, les exigences constitutionnelles d’individualisation et de proportionnalité des peines.
S’agissant du principe d’individualisation des peines, le Rapporteur public a rappelé les trois critères posés par la jurisprudence constitutionnelle, à savoir l’existence d’une possibilité de modulation de la sanction en fonction de la gravité des comportements réprimés, l’existence d’un lien entre la peine et le comportement et la possibilité d’un contrôle du juge. Au constat que le législateur avait prévu un montant différencié selon que le compte était ouvert dans un Etat coopératif ou non (amende de respectivement 1.500 € et 10.000 €), il a conclu que, selon lui, l’amende de l’article 1736, IV du CGI remplissait ces conditions.
Quant au principe de proportionnalité des peines, nous relevons avec étonnement qu’il a défendu le caractère proportionnel de l’amende de l’article 1736, IV du CGI sans même faire mention de notre argument principal, à savoir que l’amende réclamée aux Requérants représentait en l’espèce 87 % du solde du compte détenu à l’étranger.
Or, le Conseil Constitutionnel a par le passé déclaré des amendes inconstitutionnelles dès lors que leur application était susceptible de revêtir un « caractère manifestement disproportionné » ou d’être « manifestement hors de proportion avec la gravité de l’infraction constatée »[1].
Il nous semble qu’une amende représentant 87 % du solde du compte caractérise une telle situation de disproportion manifeste, ou, à tout le moins, qu’une discussion sur le sujet aurait dû être engagée par le Rapporteur public à l’audience.
Finalement, nous devrions peut-être nous réjouir pour nos clients que le solde de leur compte ait été supérieur de 1.700 € au montant des amendes, s’élevant à 11.500 €. En effet, cela n’aurait visiblement pas choqué le Rapporteur public que le montant de l’amende dépasse 100 % du solde du compte !
Cependant, tout en indiquant que, d’après lui, l’amende de l’article 1736, IV du CGI est conforme aux principes constitutionnels précités, le Rapporteur public a conclu du bout des lèvres qu’il serait « opportun » de renvoyer au Conseil Constitutionnel notre question prioritaire de constitutionnalité, dès lors que plusieurs auteurs ont récemment fait part de leurs interrogations sur la constitutionnalité des amendes en valeur absolue.
Espérons que les magistrats suivront avec plus d’enthousiasme le sens des conclusions du Rapporteur public et transmettront la QPC au Conseil constitutionnel. En principe, la réponse devrait arriver le 17 juin. Nous vous en tiendrons bien évidemment informés.

 Décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, Loi de finances pour 1988 ; Décision DC n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, Loi de finances pour 1998.